En lumière

L’exposition « Backstages » de Deborah Gigliotti

publié le 19 novembre 2020

L'exposition "Backstages" met en images les coulisses des cabarets burlesques, transformistes et “Drag” bruxellois. Pendant 5 ans, l’artiste a eu le privilège de capturer ce qui se passe derrière les rideaux, les cloisons, les escaliers et les murs qui séparent la scène des coulisses.

Si vous souhaitez acquérir une ou plusieurs de ces oeuvres, vous pouvez contacter directement l’artiste via cette adresse mail : debogigli@gmail.com

 

« La photo bleue »

Nous sommes une de ces journées de septembre où les jours raccourcissent, où la chaleur se pointe, nous faisant profiter d’un été indien. Je marche sur une des rues les plus prestigieuses de Paris, me dirigeant vers le Manko Cabaret. Face à moi, au loin, la tour Eiffel dans ce coucher de soleil aux couleurs rose et vif s’entremêle.

J’arrive devant le Manko, je monte les marches comme si je voulais savourer chaque instant. Cet endroit est magnifique, je regarde partout, le détail, le luxe est omniprésent. Ici, tout est parfait, le hasard n’a pas sa place, de nombreuses stars sont venues assister au spectacle comme Olivier Rousteing et Céline Dion. Jean biche m’accueille avec toute sa gentillesse et sa bienveillance habituelle, il me présente à chacun des artistes. Ils sont 6 au total ce soir-là. Les loges s’enfilent, chacun à sa place devant son miroir. C’est un jour important, très important. On sent la tension palpable, et pourtant c’est comme si elle n’existait pas. Après le dernier coup de make-up et la vérification de chaque détail qui fait la différence, je le suis, traversant les nombreux couloirs qui mènent à la scène.

Il se met en retrait face à la scène, une margarita à la main. Il observe minutieusement le tableau devant ses yeux.  Je shoote la scène, et puis à un moment je me retourne, je le vois, je capte l’émotion, et prend de manière furtive cette photo. De retour chez moi, j’ai voulu la mettre en noir et blanc, mais non impossible, ce bleu je veux était tellement puissant qu’il gravait la magie de l’instant.

 

« Sublime créature »

Nous sommes au cabaret Mademoiselle dans les premières semaines d’ouverture, je découvre les coulisses après une porte battante comme dans les salons qu’on aime pousser fort mais dont on a toujours peur de les prendre en pleine face.

Malgré son jeune âge, les « backstages » sont déjà pleines de vie, des tringles de personnages, de vie où l’on imagine quel est l’instant magique qui se reflètera de tout ça. Les murs briques apportent une lumière chaude, les plafonds sont bas, ce qui rajoute de l’atmosphère à l’atmosphère.

Jean biche à enfilé sa jupe en cuir, sa taille est belle, parfaitement soulignée. Il s’approche du point de lumière et se tourne comme pour vérifier quelque chose sur sa jupe. Autour de lui, plein d’objets existent, apportent une touche au décor, mais sous la lumière il n’y a que lui…

 

La photo bleue
Sublime créature

 

« Sublime moi »

Nous sommes à l’archiduc de Bruxelles, endroit particulièrement mythique de Brussels, où de grands noms sont venus et viennent encore, Tu vois, Deborah, ça c’était le piano de Barbara. Les objets, quand ils ont une histoire, une âme, quand on les touche, quand on l’autorise, ils rajoutent de la magie à celui qui les utilise.

Tout au-dessus des escaliers qui serpentent, se trouvent les loges. C’est la première fois que je photographie le Golden Age Society et la belle Lolly. Lolly est un puits de lumière, elle a une aura, je ne sais pas comment elle fait, mais une luminosité presque pas naturelle ressort de son visage, ce qui la rend radieuse à chaque instant.

En fin de présentation, elle me regarde et me dit « viens, dis-moi ce que tu veux, c’est nouveau pour moi, les photos que j’ai faites sont jamais posées, alors je ne sais pas ce que je veux ». Mais je sais qu’il est important de figer ce cadeau qu’elle m’offre comme un morceau de papier que l’on relit et relit, un souhait qui a été exaucé.

 

« Le baiser »

Nous sommes dans les backstages de… à Bruxelles, lors d’un événement créé par… juste avant  la Belgian pride. Ici c’est différent, c’est un long couloir, où les loges se succèdent les unes à la suite des autres, les murs sont blancs, les plafonds hauts et dans le couloir, on peut retrouver des tags qui nous racontent le passage d’une histoire dont les murs gardent le secret.

Les transformations sont faites, les maquillages accordés, les vestes ajustées, le haut de forme délicatement posé, c’est le moment de poster sur les réseaux sociaux. Alors, en retrait, je photographie ce moment autour d’une porte. Je photographie l’instant de l’éphémère pour le laisser figer à jamais comme deux femmes s’approchant du baiser d’une éternité.

Sublime moi
Le baiser
La mère

 

« La mère »

Dans la série de photos que je prendrai ce soir-là, c’est une des premières. J’arrive, j’embrasse tout le monde, j’enchère les « ma chérie, tu es là, tu es magnifique, tu es sublime, tu vas être sublime, tu seras sublime ». Elles le sont toujours, ici le temps n’est qu’expérience, on ne vieillit pas, on se bonifie, on prend de l’expérience.

Autour de maman, dans sa loge, un attroupement grandit, entre Laura (photographe), Camille (le cameraman), moi, la coiffeuse et les privilégiés, ceux qui sont la famille, amis, on sait plus mais sans eux, tout ça serait moins lumineux.

Maman a le regard fixe, elle ne pose pas. Quand maman pose, elle a le sourire aux éclats. C’est sa marque de fabrique, mais cette bouche, ces yeux-là, ce sont ceux de la visualisation, de la préparation, de la concentration. J’adore cette image car elle représente pour moi à la fois la folie de la ruche, la reine, et ensuite nous récolterons le miel qui sera le résultat de tout ce travail, symbole d’une récolte des fruits d’une vie.

 

« Une grande dame, cette Demoiselle »

Ah mademoiselle, une grande Dame, cette Demoiselle.

Boop manie les pinceaux, les couleurs avec énormément de talent, fruit d’heures de travail et de perfectionnement. Je la revois faire et refaire ses gestes, vérifier, revérifier si le résultat obtenu est bien celui désiré. La voici prête, avec sa démarche particulière dans sa jupe crayon, montée sur ces talons que je regarde de loin mais m’annonçant que même un furtif essai pourrait être le résultat d’une honte au mieux, une jambe cassée au pire.

Sublimement valorisée dans cet ensemble, elle se met à jouer avec moi. Je sais que le temps nous est compté, alors je multiplie les clichés, elle pose comme la plus grande deus mannequin et moi, je tente de faire refléter tout ce que la beauté intérieure et extérieure lui a accordé.

Une grande dame, cette Demoiselle!
Le crayon qui définit

 

« Le crayon qui définit »

Dans ce dédale de couloirs, je passe la tête pour vérifier quel est le moment le plus opportun pour capter l’instant. Face à moi, Soa de Meuse contourne délicatement ses lèvres au crayon. Le geste est doux et précis. Son poignet accompagne sa main, il l’oriente. Son regard est fixe, le temps se suspend. La bouche, c’est la touche finale avant le parfum, comme si elle était la révélation de toute cette transformation. Une fois qu’il termine, il fera voler un baiser vers le ciel que je me ferai un plaisir d’intercepter.

 

« La lumière »

Dans les sous-sols de Bruxelles se trouve un endroit rempli de chaleur et d’histoires, l’Os à Moelle. Quand j’ai découvert ce lieu, je suis tombée sous le charme. Ce n’est pas la première fois que je m’y rends et pourtant les sensations sont toujours les mêmes.

Soa est là, face à la lumière qui le fait briller, il allonge son bras vers elle, pour que délicatement elle se pose sur lui afin de refléter toute sa beauté…

 

La lumière
Allanah Star
Marla

 

« Allanah Starr »

Dans les loges du Manko Cabaret se trouve une star : « Allanah Star ». Il y’a des rencontres qui impressionnent plus que d’autres, Allanah en fait partie. De toute la soirée j’ai pris peu de photos d’elle, de peur de la déranger, peur de capter ce qu’elle ne souhaite pas dévoiler. Dans cet instant d’entre deux, je me rappelle m’être posée sur une chaise avec autant de délicatesse qu’une plume et j’y ai tiré ce cliché qu’elle m’a accordé.

 

« Marla »

Nous sommes dans les loges de chez Maman lors de la Belgian pride. Le temps à filé, c’est l’instant des derniers instants avant de rejoindre le train de chez Maman. Le monde va et vient dans la loge mais tout doucement elle s’allège, pour laisser la place aux derniers coups de laque, aux derniers coups de pinceau avant la pride…

Marla, son diadème posé fièrement sur la tête, prend du recul et pose de la laque pour fixer les cheveux de son partenaire et amoureux dans la vie. Ils se retournent ensemble vers le miroir en souriant, tout est parfait, ils sont prêts.

 

Etirement en légèreté
Selfie
Improvisation

 

« Selfie »

Ma chère Edna, parce que c’est la première à m’avoir fait confiance, elle restera toujours pour moi une personne particulière que j’aime retrouver. Vous savez, c’est comme la première personne qui croit en vous plus que vous, il peut y’en avoir d’autres… mais elle sera toujours particulière parce que c’est la première. Edna est drôle et expressive, elle utilise toutes les expressions de son visage comme pour révéler toutes ses émotions, tout son potentiel.

Alors quand elle fige son reflet je ris, je souris, un peu comme elle.

 

« Improvisation »

Le show est terminé, la pression est retombée. Alors dans les loges de l’Archiduc, le temps est à la décontraction. Lolly pose devant moi et dans la folie de l’instant vient se rajouter son acolyte dernière elle. Au fur à mesure du temps pendant ce shooting improvisé, d’autres artistes viendront se rajouter par après. Une fois cet instant capté, l’heure est au démaquillage, au rangement, ne laissant plus dans les loges que quelques paillettes, symboles d’une soirée où la magie a opéré.

 

« Etirement en légèreté »

Julie est une des artistes qui performent au Manko Cabaret. Je me rappelle l’avoir photographiée face au miroir et avoir perçu dans ses yeux une véritable intensité. J’alterne mes déclenchements entre elle et Jean-Biche qui se trouve dans la même loge qu’elle. Quand je me retourne je la vois telle un chat s’étirer de tout son long, ses cheveux se posent dans sa cambrure. Durant la soirée, je la verrai virevolter dans un cerceau sur les airs du Manko Cabaret