En lumière

COVID-19 et son impact sur les personnes issues de la migration

publié le 10 juin 2020

La pandémie du COVID-19 affecte tout le monde, partout, tout en amplifiant et exacerbant les inégalités existantes. Les personnes issues de la migration, particulièrement quand elles sont sans papiers, sont particulièrement vulnérables face aux impacts de la pandémie. Elles risquent de faire face à des obstacles en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et des autres services de soutien, sont sujettes à une stigmatisation et discrimination accrue, et sont d’autant plus en risque de perdre leurs revenus en raison de conditions d’emploi moins favorables. Les travailleur·euse·s issu·e·s de la migration sont en première ligne de la réponse au COVID-19, alors qu’il.elle.s subissent des conditions d’emploi moins favorables qui pourraient aussi avoir un impact direct sur leur santé. Pour les personnes qui dépendent du travail du sex pour leurs revenus, la crise et les mesures de distanciation sociale qui en résultent ont eu comme conséquence une suppression de revenus, les mettant face à des situations financières et de logements extrêmement précaires. L’ASBL UTSOPI, un collectif de travailleur·euse·s du sexe en Belgique, a développé un guide pour les travailleur·euse·s du sexe pendant la crise COVID et Alias, une association pour travailleur·euse·s du sexe hsh et trans*, a produit une vidéo sur la sécurité du travail du sexe en ligne.

Pour les personnes migrantes en centre d’accueil ou de détention, ou pour les personnes personnes nouvellement arrivées et ayant besoin d’une protection internationale, les conditions sont aussi particulièrement éprouvantes. Il·Elle·s se retrouvent souvent sans aucune certitude sur l’avancement de leur procédure, font face à l’annulation des séances de soutien psychologique, légal, etc. ainsi que des activités de groupe, tout en étant dans l’impossibilité de s’isoler.

Comme démontré de nombreuses fois dans les dernières semaines, les communautés marginalisées telles que la communauté LGBTQI+, souffrent particulièrement fort de la crise du COVID-19. Cette période incertaine vient accompagnée d’une augmentation des discriminations et stigmatisations blâmant les personnes LGBTQI+  aussi bien que les personnes perçues comme « migrantes » pour le COVID-19.

La crise actuelle impacte la sécurité physique, financière et émotionnelle de notre public cible de manière disproportionnée et forcera probablement un grand nombre de personnes LGBTQI+ à émigrer dans un futur proche. En même temps, avec les frontières qui ferment abruptement, de nombreux migrants se retrouvent bloqués en transit. De plus, contrairement à la plupart des migrants, les migrants LGBTQI+ fuient non-seulement un contexte légal/politique, mais souvent, il·elle·s fuient également leurs communautés. Ce qui fait qu’il·elle·s tendent à se retrouver encore plus isolé·e·s que d’autres à leur arrivée en Europe étant donné qu’il·elle·s sont généralement dans l’impossibilité de chercher le soutien de la diaspora locale et des autres migrants. L’absence d’une communauté soutenante (que cela soit perçu ou avéré) expose les gens à un risque accru de précarité extrême ainsi que de troubles de la santé mentale.

Ces risques sont également exacerbés en période d’isolation sociale, particulièrement pour les personnes LGBTQI+ qui résident en centres d’accueil où il est impossible de pratiquer la distanciation sociale afin d’obtenir de l’intimité (pour des appels vidéos par exemple), tout en étant forcé de maintenir une distance sociale avec le monde extérieur (où la plupart des résident·e·s LGBTQI+ pourraient trouver du répit). Ces demandeur·euse·s d’asile sont aussi sujet·te·s à des niveaux de stress et d’anxiété encore plus hauts que d’habitude vis-à-vis de la procédure de demande de protection internationale. Dans le contexte de cette pandémie, les entretiens et audiences ont été suspendus ou retardés, et l’accès à l’information, aux juristes, et aux groupes de soutien est devenu rare quand existant.

Les niveaux de stress et d’anxiété sont également extrêmement hauts chez les personnes LGBTQI+ issues de la migration qui doivent cohabiter avec des membres de leur famille non-soutenants, ce qui les forcerait à dissimuler leur orientation sexuelle ou identité de genre sous peine de risquer diverses formes de violence. L’impossibilité d’être en contact avec des personnes aux influences positives et soutenantes peut avoir de sérieuses implications notamment sur le plan de la santé.

Nous savons que de manière générale, dans le cas de problèmes de santé, les résolutions sont généralement moins bonnes dans la communauté LGBTQI+ et chez les personnes issues de la migration à cause de stigmates et de discriminations persistant·e·s menant à des inégalités en terme d’accès, de qualité et de disponibilité des soins de santé. Les préjugés au sein du corps médical peuvent avoir des conséquences désastreuses dans des périodes comme celles-ci, particulièrement en temps de piques de contamination et de centres médicaux surchargés. Il est également important de souligner que notre public cible compte un nombre considérable de personnes vivant avec le VIH. Le retard ou le manque d’accès aux traitement comme conséquence (in)directe des mesures liées au COVID-19, peut mener à une immunité compromise et une vulnérabilité accrue au coronavirus. Pour beaucoup de gens, l’accès aux tests et aux traitements se complique dans ces nouvelles circonstances. Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter le guide sur le “Coronavirus et VIH” de l’organisation belge EX-AEQUO.

Un autre exemple est celui des personnes trans* et intersex qui ont besoin de traitements spécifiques et de spécialistes et qui peuvent rencontrer des difficultés à y accéder pendant un confinement, que ce soit pour des raisons administratives, financières ou géographiques. En plus de ça, les procédures médicales jugées “non-urgentes”, comme les soins médicaux liés aux transitions sont pour la majeure partie postposées ou annulées. Ceci peut avoir des conséquences sérieuses sur la santé physique et psychologique de celleux qui en ont besoin, notamment de l’anxiété et des dépressions, menant parfois jusqu’au suicide.

Les observations récentes confirment que, dans les conditions actuelles, les gens ont plus de chances de développer de nouveaux problèmes de santé mentale et de voir ceux qui sont pré-existants empirer. La situation se trouve être particulièrement détrimentale pour les personnes souffrant de traumas liés à des procédures médicales, à des situations d’isolation, ou d’emprisonnement. Les personnes LGBTQI+ sont encore souvent soumis sans consentement à des pratiques médicales, physiques ou psychiatriques invasives. Ceci inclus la chirurgie corrective sans consentement sur les personnes intersex et les thérapies de conversion. Comme ILGA Europe le déclare dans son COVID-19 briefing document: “des expériences passées de discrimination, stigmatisation, de blocage, de mégenrage, et les procédures non-consenties peuvent décourager les personnes LGBTI à faire appel à une assistance médicale, menant à une entrée tardive dans le système médical si entrée il y a.”

Enfin, il peut y avoir des impacts ajoutés sur les personnes LGBTQI+ issues de la migration de par l’intensification de la présence policière mise en place pour faire appliquer les mesures liées au confinement. Pour commencer, les règles de distanciation sociale sont rédigées autour des concepts de ménage et de famille qui sont généralement compris d’une façon hétéronormative. Les relations de même genre tendent à ne pas être considérés comme valides, particulièrement lorsque combinées à des préjugés raciaux. De plus, des contrôles d’identités plus fréquents mènent à un plus grand risque de verbalisation, d’arrestation, et de harcèlement pour les personnes sans papiers et les personnes trans* dont les documents ne refleteraient pas le nom, le genre et/ou l’apparence correcte et actuelle.

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