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Exigeons l’égalité : les soins de santé pour les personnes transgenres sont un droit, pas un luxe

publié le 11 avril 2024

Les personnes trans sont en danger. Nous parlons d’une société transphobe dont les règles et les législations font qu’il est de plus en plus difficile pour les personnes trans d’obtenir les soins dont iels ont besoin Il est primordial -surtout pendant une année politique- de mettre en lumière les besoins des personnes trans et comment les soutenir.

Les personnes transgenres sont depuis longtemps victimes de règles et de réglementations qui leur rendent très difficile l’accès aux soins de santé dont elles ont besoin. Dans cet article, nous soulignons de nombreux aspects qui doivent changer afin d’améliorer la qualité de vie des personnes transgenres.

Mais tout d’abord, qu’entendons-nous par transgenre ? Une personne transgenre est une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été assigné à la naissance. En d’autres termes, ses sentiments intérieurs ne correspondent pas à l’étiquette d’homme ou de femme qui lui a été attribuée à la naissance sur la base de ses caractéristiques sexuelles primaires. Le terme « transgenre » est un terme générique qui englobe toutes les personnes qui se sentent ainsi, non seulement les hommes et les femmes transgenres, mais aussi les personnes non binaires.

Outre le soutien et le respect, un aspect central du bien-être des personnes transgenres concerne l’accès aux soins. Il est tout d’abord essentiel d’opérer la distinction entre la pathologisation à tort de la transidentité et la nécessité d’un soutien psycho-social.

Transformer les perceptions : Mettre fin à la pathologisation de la transidentité

La transidentité à très longtemps été considérée comme un trouble psychiatrique (1).En Belgique, il a fallu attendre 2017 pour que la transidentité soit dépsychiatrisée dans la loi. Avant celà, c’était la loi de 2007 qui régissait les parcours des personnes trans à travers des mesures présentant la transidentité comme une pathologie. Il est cependant important de noter que “ce changement de nomenclature ne saurait être présenté comme suffisant à la dépathologisation des parcours de santé, encore bien souvent soumis au diagnostic psychiatrique.” (1) Comme le dit la sociologue de la santé Anastasia Meidani, les personnes trans ont longtemps été situées « trop près du diagnostic, trop loin du soin » (1) et cette vision perdure encore aujourd’hui.

Il est important de le répéter : la transidentité n’est pas une maladie. Cependant les membres de la communauté transgenre ont un risque accru de faire face à des problèmes de santé mentale en raison de facteurs environnementaux. Plusieurs études ont montré que 50 à 90% des personnes trans feront dans leur vie face à du harcèlement lié à leur identité de genre et au moins 25% seront victimes d’agressions. Ces discriminations peuvent survenir dans l’espace public tout autant que dans la sphère privée. Ces discrimination touchent également le secteur de l’emploi et du logement, ce qui contribue à la précarisation des personnes trans.

Un lourd impact sur le bien-être psychologique des personnes transgenres

Ces multiples discriminations et violences sont la source de souffrances psychologiques de la part des personnes transgenre. L’étude de Heylens et al. de 2013 montrait que 60% des participant·es souffraient de trouble de l’humeur (dépression et bipolarité) et 28% de troubles anxieux. Cette prévalence de vulnérabilité accrue au niveau de la santé mentale et d’autant plus prévalent chez les jeunes trans. Une récente étude danoise a également mis en évidence que le risque de mourir par suicide est 3 fois et demi plus élevé pour les membres de la communauté trans. Ces chiffres alarmants sont les témoins des effets des discriminations systémique et du délaissement de la communauté transgenre de la part des autorités publiques et du domaine médical.

L’urgence d’une meilleure prise en charge psychologique des personnes transgenres

Dans ce contexte, nous demandons au prochain gouvernement de proposer dans son programme des action concrètes et des moyens financiers pour garantir une meilleure prise en charge des personnes trans dans le système psycho-socio-médical notamment l’augmentation du nombre de séances de psychothérapie remboursées, un meilleur taux de remboursement (voire la gratuité pour certains statuts sociaux tels que les BIM ou VIPO).
Une meilleure formation des professionnel·les de la santé face aux spécificités des personnes trans dans le milieu psycho-socio-médical, ainsi qu’une meilleure prise en charge des soins dédiés aux personnes trans de la part des mutuelles.

Il est urgent d’agir, d’une part à l’échelle fédérale, pour combattre les discriminations et violences envers les personnes trans, qu’elles soient systémiques ou sociétales; et de l’autre pour soutenir les personnes trans, que ce soit dans les défis de leur vie quotidienne ou leur parcours de transition.

Il faut mettre en œuvre des moyens et actions concrètes pour combattre la précarisation des personnes trans en matière de santé. Avoir accès à des soins de santé adaptés à soi est un droit fondamental, pas un luxe.

Renforcer l’autodétermination : Des choix de santé accessibles aux personnes transgenres

Lorsque l’on parle des personnes trans, l’accent est souvent mis sur la transition médicale (hormones et/ou chirurgie). Il est toutefois important de noter que toutes les personnes trans ne souhaitent pas commencer une thérapie hormonale et/ou subir une intervention chirurgicale. Il est impératif de ne pas médicaliser systématiquement et automatiquement leur relation au genre. Cependant, il est tout aussi important de rendre ces choix accessibles à celleux qui souhaitent les explorer. D’autant plus que plusieurs études ont mis en avant le fait que les thérapies hormonales et chirurgicales pour les personnes transgenres peuvent être associées à une diminution des taux de dépression et d’anxiété, ainsi qu’à une amélioration globale de la qualité de vie. Enfin, il est important de noter que toutes les personnes transgenres qui choisissent de changer de sexe ne le font pas de la même manière. Certaines – comme indiqué précédemment – peuvent ne pas ressentir le besoin de changer quoi que ce soit, d’autres peuvent se contenter d’une transition sociale (changement de nom et/ou de pronoms), et d’autres encore peuvent ressentir le besoin d’une transition médicale et utiliser l’une des nombreuses options disponibles (hormones, chirurgies, entraînement vocal, épilation, blocage de la puberté, etc), mais quelle que soit l’option choisie, les personnes trans doivent pouvoir en décider elles-mêmes et avoir accès à l’option qu’elles souhaitent.

Le problème réside dans le fait que les options de transitions médicales ne sont pas aussi accessibles qu’elles devraient l’être. Cela est dû à plusieurs facteurs.

Même en ayant accès aux informations et différentes option, de nombreux professionnel·less de la santé ne sont pas formé·es pour répondre aux besoins des personnes transgenres et ne peuvent donc pas leur prodiguer les soins appropriés. De plus, il peut être difficile pour les personnes transgenres elles-mêmes de trouver des professionnels de la santé formés et capables de répondre à leurs questions.

Enfin, l’un des principaux obstacles est la question du prix. La transition médicale est très coûteuse alors qu’elle ne devrait pas l’être. L’hormonothérapie et les bloqueurs de puberté ne sont que partiellement remboursés, la formation vocale ne l’est généralement que pour quelques séances, les opérations chirurgicales ne sont pas remboursées, pas plus que l’épilation, alors qu’elles coûtent toutes deux des milliers d’euros, et vous pouvez perdre le remboursement des soins gynécologiques/andrologiques si vous changez votre marqueur de genre sur votre carte d’identité.

Militer pour des soins accessibles aux personnes transgenres

Aujourd’hui, si l’accès aux soins ne nécessite plus un diagnostic de transidentité comme pathologie, ce n’est pas le cas pour leur prise en charge par les mutuelles. En effet, pour avoir accès aux remboursements et aux différents soins trans spécifiques, un psychiatre doit certifier que la personne  » présente des symptômes de dysphorie de genre ou a reçu un diagnostic, selon la définition du DSM-5  » (5).

Bien que la loi de 2017 présente une avancée pour les droits des personnes trans, un long chemin reste à parcourir pour atteindre une considération respectueuse et bienveillante envers les personnes trans dans les milieux psycho-socio-médical, notamment en ce qui concerne les parcours des enfants trans.

Nous revendiquons une meilleure prise en charge financière des soins de santé trans spécifiques ainsi qu’une amélioration du cadre législatif belge en ce qui concerne la transidentité.

Il est urgent d’ériger un système de remboursement équitable et cohérent aux soins de santé trans spécifiques. Au-delà des actuels changements libres de prénom et « sexe enregistré », il est nécessaire que les mutuelles prennent en charge les soins de santé trans spécifiques que ce soit au niveau du soutien psychologique ou d’éventuelles procédure de transition médicale (hormones, chirurgie etc.)

Il faut également que le changement de « sexe enregistré » cesse d’être un frein aux remboursements de soins de santé sexospécifique comme c’est le cas à l’heure actuelle. Enfin il est primordial d’augmenter le nombre de séances d’accompagnement psychologique remboursées.

Nous revendiquons également le droit à l’autodétermination des mineurs à partir de 16ans, que cela concerne le changement de « sexe enregistré », la facilitation du changement de prénom des enfants trans ou le remboursement des bloqueurs de puberté.

Carte blanche rédigée par la RainbowHouseBrussels

Sources:

(1) Alessandrin, A. (2023). La santé des personnes trans. Questions De Santé Publique, 47, 1–8. https://doi.org/10.1051/qsp/2023047

(2) Newcomb, M. E., Hill, R., Buehler, K., Ryan, D. T., Whitton, S. W., & Mustanski, B. (2019). High burden of mental health problems, substance use, violence, and related psychosocial factors in transgender, Non-Binary, and gender diverse youth and young adults. Archives of Sexual Behavior, 49(2), 645–659. https://doi.org/10.1007/s10508-019-01533-9

(3) Afp, L. M. A. (2023, July 6). Pour les personnes transgenres, le risque de faire une tentative de suicide est près de huit fois plus important, selon une étude danoise inédite. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/06/pour-les-personnes-transgenres-le-risque-de faire-une-tentative-de-suicide-est-pres-de-huit-fois-plus-important-selon-une-etude-danoise inedite_6180851_3210.html

(4) Baker, K., Wilson, L. M., Sharma, R., Dukhanin, V., McArthur, K., & Robinson, K. A. (2021b). Hormone therapy, Mental Health, and Quality of Life among Transgender People: A Systematic review. Journal of the Endocrine Society, 5(4). https://doi.org/10.1210/jendso/bvab011

(5) Institut national d’assurance maladie-invalidité. (n.d.). avenant à la convention entre le comité de l’assurance soins de santé de l’institut national d’assurance maladie-invalidité et le centre hospitalier universitaire de Liège, pour le centre d’accompagnement de la transidentité de liege. in riziv – inami dienst geneeskundige verzorging – service des soins de santé.

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