En lumière
COMMUNIQUÉ : Le site web “IdemInfo.be” sous le feu des critiques
publié le 16 décembre 2018
Genres Pluriels
- Anti-discrimination
- Organisations inclusives
- Enseignement et jeunesse
- Identités et expressions de genres
par le GT législation trans*/inter
Ce 26 octobre 2018 était la journée internationale de la « visibilité intersexe ». C’est aussi la date choisie par la Flandre pour lancer et mettre en ligne le site web « IdemInfo.be ». L’initiative de ce projet provient de la cellule égalité des chances de la Région Flamande et a comme ambition de proposer un moyen centralisé où chacun.e peut venir chercher de l’information au sujet des intersexuations.
Comme ce site internet n’est présenté qu’en langue néerlandaise, on suppose qu’il est destiné au public néerlandophone uniquement.
Le site web “IdemInfo.be” ne peut pas échapper aux critiques pertinentes et justifiées des associations de défense des droits humains, ni des groupements d’Information et de soutien auprès des personnes concernées et/ou intersexes.
Il est particulièrement regrettable et dommageable de constater que le site offre un contenu qui va à l’encontre de toutes les recommandations internationales, débattues au plus haut niveau des grandes instances (Conseil de l’Europe, ONU, OHCHR, CRC, etc).
En effet, le site web distille essentiellement des informations en provenance du secteur médical. Or c’est justement ce sur quoi, depuis une bonne dizaine d’années, en Belgique comme ailleurs, les personnes intersexes, prenant conscience des violations graves et injustes commises sur leur intégrité physique et psychique, se mobilisent pour que cessent les interventions médicales non consenties mutilant leur corps dans le but de les conformer aux « modèles » de corps masculin et féminin.
Malgré cette mobilisation, ces pratiques médicales continuent avec l’assentiment des autorités belges, pourtant compétentes pour les faire cesser (Ministère de la Santé et Ministère de la Justice).
Afin de mieux cerner les situations dont il est ici question, voici quelques repères importants : Qui sont les personnes intersexes ? Les personnes intersexes ont des caractéristiques sexuées ne correspondant pas aux stéréotypes féminin et masculin. Pour cette raison, elles font encore et toujours très souvent l’objet de discriminations graves et répétées tout au long de leur vie. Selon les chiffres retenus par l’Organisation des Nations Unies, les personnes intersexuées représentent 1,7 % de la population mondiale.
Les enfants intersexes ne présentent, pour la plus grande partie des situations, aucun problème de santé à leur naissance et pourtant, ils font régulièrement l’objet d’opérations chirurgicales d’assignation sexuée sans pouvoir y consentir ! Les situations sont couramment présentées sous un versant pathologisant. Les soignants parlent alors de l’enfant comme ayant un problème, font que l’enfant devient le problème. Et face à un problème, on propose des solutions (médicales, pharmaceutiques, …). Or ce n’est pas sous cet angle qu’il faut agir !
Ces façons d’opérer sont reconnues comme des violations et sont d’autant plus graves que, pour la plupart, elles sont commises en très bas âge et induisent souvent des conséquences catastrophiques sur l’état de santé des personnes intersexes, même devenues adultes (douleurs, mutilations du corps, ablations diverses, stérilisation non consentie, dépression, rupture sociale et familiale, pratiques à risque, suicides, etc.).
Cette réassignation de genre et de sexe condamne les personnes opérées à un protocole médical lourd (médicaments antidouleur, thérapies hormonales bien souvent à vie) accompagné par de nouvelles opérations avec de graves conséquences sur leur santé et leur qualité de vie.
Ce n’est qu’au nom d’une obscure morale, en dehors de tout cadre légal, que ces actes infractionnels continuent à se pratiquer aujourd’hui, chez nous en Belgique, et désormais aux yeux de tous !
Les pratiques médicales défendues par l’équipe psycho-médicosociale en charge du projet de site web « ideminfo.be » font l’apologie d’un continuum de procédés dénoncés dans le monde entier. En effet, à l’étranger et même au plus près de la Belgique, au Luxembourg, par exemple, plusieurs prises de positions officielles et individuelles de médecins ont déjà condamné ces pratiques !
Ce que nous montre, ici, la Flandre, avec ce site web, n’est pas du tout acceptable !
Pour rappel, les rapports et interpellations des instances faisant autorité sont :
- La « Résolution 2191 du 12 octobre 2017 » du Conseil de l’Europe,
- Le tout récent rapport de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU du 9 juillet 2018 – point 8) des Nations Unies,
- ainsi que toutes les déclarations issues des associations de défense des droits humains telles que l’Intersex Genital Mutilations Human Rights Violations Of Children With Variations Of Sex Anatomy de mars 2018,
et il aurait été de bon ton de s’en servir, comme exemple, pour élaborer un site présenté comme étant une « une innovation » !
Rappelons que le Conseil de l’Europe demande aux États de « protéger efficacement le droit des enfants à l’intégrité physique et à l’autonomie corporelle, et donner aux personnes intersexes les moyens d’exercer et de faire valoir ces droits: à interdire les actes chirurgicaux de «normalisation sexuelle» sans nécessité médicale ainsi que les stérilisations et autres traitements pratiqués sur les enfants intersexes sans leur consentement éclairé;… ».
Rappelons que parallèlement, la Résolution du Conseil de l’Europe préconise un renforcement du droit anti-discrimination passant notamment par l’intégration des caractéristiques sexuelles aux motifs de discrimination prohibés par la loi. Elle demande également aux États membres de procéder à des études sur la situation et les droits des personnes intersexes, notamment concernant les pratiques actuelles ainsi que les effets à long terme des traitements réalisés sans leur consentement, en vue d’envisager des indemnisations.
Rappelons aussi que la Belgique est également tenue par la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), dont plusieurs articles sont pertinents en la matière :
- L’article 38 interdit les mutilations génitales féminines, qui doivent être érigées en infractions pénales, lorsqu’elles sont commises intentionnellement. Les actes listés par l’article comme mutilations génitales féminines incluent des pratiques qui recouvrent certaines interventions pratiquées sur des enfants intersexes;
- L’article 39 interdit les avortements et la stérilisation forcée, qui doivent également être érigés en infractions pénales lorsqu’ils sont commis intentionnellement. Certaines interventions pratiquées, sans accord préalable ou compréhension des personnes concernées, sur des personnes intersexes, rentrent dans le champ d’application de cet article.
Rappelons encore que dans son document thématique sur les « Droits de l’homme et personnes intersexes » publié en 2015, Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe demande aux états de réviser les classifications médicales nationales qui confèrent un caractère pathologique aux variations des caractéristiques sexuelles en vue de lever les obstacles qui s’opposent à l’exercice effectif des droits fondamentaux par les personnes intersexes, y compris le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.
- Or le site web https://www.ideminfo.be/zorgbeslissingen recommande des opérations chirurgicales (ex. gonadectomie) sans nécessité médicale et sans préciser d’un quelconque consentement éclairé des personnes concernées.
- Plus loin, le site web encourage les traitements médicaux (hormonaux ou autres) quand il n’y a pas de nécessité médicale par rapport à la survie de l’enfant, notamment concernant par exemple la fertilité ou l’absence d’utérus ou d’ovocytes ou encore en fonction de la taille de l’organe érectile.
Une souffrance hypothétique future ne peut en aucun cas être invoquée pour justifier une intervention dont les conséquences et effets secondaires sont certains et immédiats et dans la plupart des cas durables.
- Les informations contenues dans le site web sont techniques et sont clairement ceux utilisés surtout en milieu clinique (institutions médicales académiques et universitaires). En conséquence, le site n’est pas accessible à un public qui n’est pas habitué à ce vocabulaire.
- De plus, les terminologies employées par le site web ne sont pas toujours correctes (sekse-kenmerken, sekse-chromosone) ou respectueuses, lorsqu’il se fonde sur des termes péjoratifs et pathologisants (ambigu, syndrome, DSD…), avec pour effet que les intersexuations sont considérées comme des maladies, des pathologies à guérir et à soigner plutôt que comme une variation naturelle des caractéristiques sexuelles, faisant partie intégrante de la diversité humaine !
Précisons ici que ce n’est pas nouveau et que du temps de la Grèce ancienne les personnes intersexes existaient déjà.
De plus, les variations intersexes sont pour la plupart sans danger pour la santé.
Ainsi, la notion d’intersexuation elle-même relève d’une construction sociale et d’une vision normative : c’est la volonté de catégoriser les personnes en deux sexes qui place certaines d’entre elles en situation d’ « intersexuation ». Il y aurait d’un côté les personnes « intersexes », hors normes (et hors humanité ?), et de l’autre les personnes « endosexes », dont le développement sexuel est considéré comme normal par la médecine et par la société.
La bi-catégorisation sociale a été construite en excluant les personnes qui présentaient des écarts par rapport à ces normes et en les rendant invisibles. La médecine étant un des vecteurs les plus importants de cette invisibilisation !
Du fait de cette catégorisation des êtres humains, les médecins font encore trop souvent en sorte que la réalité des sexes corresponde davantage à un modèle normatif, c’est-à-dire que le sexe des bébés intersexes soit davantage conforme à l’idée que l’on s’en fait : soit masculin soit féminin, et associé à des caractéristiques subjectives (par exemple quand il s’agit de déterminer jusqu’à ou à partir de quelle longueur l’organe érectile sera considéré comme un clitoris ou comme un pénis – les deux organes ayant la même origine embryologique).
Or non seulement,
- Quand il s’agit d’aborder les liens familiaux et l’entourage, le site web https://www.ideminfo.be/vrienden-partner prend l’angle du diagnostic !
- Le site web https://www.ideminfo.be/gelijke-kansen fait la promotion de centres hospitaliers et d’associations dont nous dénonçons la pratique mutilante et pathologisante, non consenties !
- Le site web https://www.ideminfo.be/anderen-met-gelijkaardige-ervaring référence en premier des associations qui se basent sur les syndromes médicaux et met les associations de défense des droits humains et de soutien au dernier plan.
- Certaines informations fournies par le site ne correspondent pas à d’autres informations basées sur des recherches scientifiques. Notamment par exemple, l’estimation du nombre de personnes intersexuées qui est donnée sur le site.
La manière dont les informations sont données ne rassurera pas les personnes intersexes ni les parents d’enfants intersexes. Pourtant, cela devrait être l’objectif de tout site d’information sur les intersexuations.
Différentes organisations (çavaria, Rainbowhouse Brussels, OII Belgique, Intersex-Belgium et OII Europe), francophones et néerlandophones, très impliquées sur ces questions avaient, pourtant, rencontré et/ou communiqué avec Mme Nina Callens, l’administratrice du site en question. De nombreux éléments avaient alors été contestés et expliqués. Nous constatons malheureusement que ceux-ci n’ont pas été pris en compte !
Quand la cellule Égalité des chances flamande confie ce type de mission à une équipe qui promeut des traitements médicaux comme solutions à des situations jugées « anormales », cela n’offre pas à la population un outil adapté à la société d’aujourd’hui.
Pourtant c’est un fait, aujourd’hui, l’être humain vit dans un monde où les forces de changement combattent les forces de résistance. La société contemporaine est soumise à des évolutions et les modèles jusqu’ici utilisés et défendus sont affadis. Tous nos modèles se transforment et chacun doit prendre le train en marche !
Le pouvoir médical doit se remettre en question et suivre le même mouvement. On ne pratique plus la médecine comme au temps de papa et par exemple, la profession s’est très bien féminisée, au siècle passé.
L’emprise de la médecine qui tend à assimiler tout écart à une norme établie (jusqu’ici par une vision binaire normative), comme une pathologie, une anomalie ou encore un problème à solutionner relève toujours d’une « routinisation » des procédures et des mini-stratégies.
Cette forme de « professionnalisation » se traduit souvent par un refus d’informer clairement les personnes pour garder une forme d’autorité. Les interactions entre personnes concernées, parents et le corps médical sont étroitement réglées dans le but de s’assurer le silence et une coopération docile.
Tout est mis en œuvre du côté des soignants pour que cela ne s’exprime pas trop. Aux questions, on répondra par des attitudes de retrait, des réactions infantilisantes et sous une forme de gravité, l’évocation d’observations, de diagnostics et de risques en cas de non-traitement.
Bien souvent une sorte de « feinte commune » s’installe par laquelle les médecins spécialistes et les parents font comme s’il devait y avoir une solution médicale à ce qui pose question. Chacun n’y trouvera pas son intérêt, seuls les soignants entretiennent cette illusion pour ne pas s’impliquer affectivement et faciliter leur travail.
Le travail d’information du site a été effectué surtout par Dr. Nina Callens (salariée à mi-temps) avec l’appui d’une équipe de projet psychomédicale. Cela représente un travail considérable. Seulement, de la bonne volonté ne suffit pas pour lutter contre les discriminations. Encore faut-il écouter, s’informer, dialoguer et soutenir les personnes concernées, les expert·e·s par expérience en matière d’intersexuations… Ce travail d’analyse du site web reprenant une liste non exhaustive de critiques a été effectué par des bénévoles concerné·e·s et non rémunéré·e·s…
Le fait que la cellule Égalité des chances flamande flamande confie la mission d’information à des spécialistes proches du milieu médical pour aborder les thématiques intersexes nous interpelle quant à sa stratégie et à sa volonté réelle de vouloir lutter contre les discriminations basées sur les caractéristiques sexuelles.
C’est comme si elle avait demandé à des bouchers d’écrire sur le bien-être animal !
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