Rapport ILGA : comment interpréter les données?
publié le 22 mai 2023
Le rapport ILGA est sorti il y a presque deux semaines. Il a été de nombreuses fois cité lors des prises de paroles officielles à l’occasion de la Pride. Nous constatons une focalisation sur les classements et podiums dans l’analyse de ce document. Nombreux sont les commentaires qui présentent notre pays comme étant à l’avant-garde de la lutte pour les droits, même si tous·tes reconnaissent qu’il y a encore beaucoup à faire. Nous voudrions inviter à davantage de nuances.
Cet index est une évaluation annuelle de la situation des droits LGBTQIA+ eu Europe et au Proche-Orient. A partir de données et de faits objectifs récoltés dans 49 pays, l’organisation établit un classement qui pointe des premiers et des derniers. Dans une culture de la compétition, arriver sur le podium semble être un accomplissement. Pour beaucoup de commentateur·ices, la Belgique a regagné sa deuxième place perdue l’année dernière. Mais ne perdons pas de vue que Malte, pourtant à la première place, est un des rares pays en Europe où l’avortement reste totalement illégal (1). Il ne s’agit donc pas de toute évidence d’un document permettant de déterminer les pays aux politiques les plus progressistes, mais d’un indicateur partiel, basé sur un nombre restreint de critères. Par ailleurs, l’application effective des lois et la réalité du terrain ne sont pas évaluées.
Certes, beaucoup a été fait en Belgique. Cependant le rapport écrit qui accompagne la carte souligne qu’énormément de problèmes restent non résolus. Un score de 76% signifie avant tout que les droits des personnes LGBTQIA+ ne sont pas garantis à 100% (par ailleurs, à quel idéal correspond ce 100%?). C’est avant tout ainsi qu’il faut lire ce chiffre. Sommes-nous tellement habitué·es à l’insécurité pour se réjouir d’un tel constat?
En effet, même si globalement les choses semblent aller dans la bonne direction, rien n’est encore acquis concernant la fin des thérapies de conversion, qui sont pourtant interdites dans de nombreux autres pays. Ce point à lui seul devrait disqualifier la Belgique. En outre, la condamnation des mutilations médicales subies par les enfants intersexes (2) ou la reconnaissance légale des personnes non-binaires sont à l’heure actuelle encore des chantiers en cours. Par ailleurs, la réduction du délai d’abstinence des personnes HSH de 12 à 4 mois n’est pas suffisante et reste discriminatoire.
Le chiffre avancé par ILGA est une moyenne établie à partir d’une série de critères (égalité, famille, discrimination etc.) ce qui a pour effet de “noyer” certains points cruciaux dans la masse.
La Belgique reste le théâtre de tensions idéologiques et les progrès ne sont pas définitivement acquis.
La RainbowHouse invite donc à lire avec recul le rapport ILGA dont les conclusions à l’instar de celles d’autres organismes (TGEU, Unia, SOS Homophobie, GLAAD…) soulignent toujours une situation globale hautement problématique et certainement perfectible.
(1) Un critère qui n’entre pas en compte dans l’évaluation ILGA.
(2) Le rapport attribue une note de 0% à la Belgique concernant les droits des personnes intersexes.